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La route des esclaves: Enfin, la Côte d’Ivoire!

La route des esclaves: Enfin, la Côte d’Ivoire!

La Côte d’Ivoire, pays riche en histoire, en culture et en diversité, a récemment accueilli un évènement marquant en lien avec le projet global de la Route de l’Esclave.

Ce projet, dont les racines plongent dans la douleur et la souffrance de millions d’Africains, revêt une importance non seulement historique mais aussi symbolique. La cérémonie de lancement à Kanga Nianzé, un village portant un nom lourd de sens, illustre l’engagement du pays à faire face à son passé tout en célébrant son héritage culturel.

Un nom chargé d’histoire

Le nom « Kanga Nianzé » évoque les sombres réalités de l’esclavage. « Kanga », signifiant « esclave », et « Gnianzé », le dernier « bain de purification » avant l’embarquement des esclaves pour les Amériques, soulignent l’importance de ce lieu dans le contexte de l’histoire de l’esclavage. Ce village, devenu le symbole du lancement du projet, incarne non seulement la mémoire collective des souffrances endurées par les ancêtres, mais aussi un lieu de réflexion et de réconciliation pour les générations futures.

Le choix de Kanga Nianzé pour cette cérémonie n’est pas anodin ; il sert de rappel puissant que l’histoire ne doit jamais être oubliée. La mise en lumière de tels endroits est essentielle pour le développement d’une conscience historique chez les jeunes générations, et pour encourager un dialogue significatif sur les enjeux de la mémoire collective et de la réconciliation.

Le projet de la Route de l’Esclave

Le projet de la Route de l’Esclave a été initié en 1994, suite aux efforts conjoints du Bénin et d’Haïti, et soutenu par l’UNESCO. L’ambition de ce projet est de reconstruire les divers aspects de l’héritage de la traite des esclaves, en tant que leçon d’histoire et de mémoire. À travers ce projet, l’objectif est d’éviter un retour aux pratiques inhumaines du passé, tout en favorisant un dialogue constructif entre les peuples et les nations affectés par cette tragédie.

L’esclavage, en tant que jalon tragique de l’histoire humaine, impacte non seulement les pays de départ mais également ceux de destination. En effet, la traite transatlantique a engendré des conséquences profondes, dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui. Le projet vise donc à créer une voie de compréhension et de guérison, permettant aux victimes et à leurs héritiers de renouer avec leur histoire, tout en sensibilisant les sociétés contemporaines aux dangers de l’oubli.

Un dialogue entre cultures

Le lancement du projet de la Route de l’Esclave en Côte d’Ivoire a également rassemblé des délégués d’autres pays africains et de la diaspora. Ce rassemblement illustre l’importance du dialogue interculturel dans le contexte de la mémoire de l’esclavage. La présence de représentants de diverses nations souligne la nécessité d’unir les forces pour aborder les problématiques liées à l’héritage de l’esclavage. C’est dans ce cadre que des discours intergénérationnels peuvent se développer, permettant de transmettre les valeurs de tolérance, de compréhension et de respect mutuel.

La diaspora, en particulier, joue un rôle crucial dans ce dialogue. En effet, les descendants des esclaves sont souvent les gardiens de la mémoire et de l’identité culturelles, et leur engagement est essentiel pour maintenir vivantes les histoires de leurs ancêtres. Le partage d’expériences, la valorisation des cultures et la redécouverte des racines peuvent contribuer à renforcer les liens entre l’Afrique et ses descendants disséminés à travers le monde.

La Côte d’Ivoire comme pionnière

Le choix de la Côte d’Ivoire pour accueillir cette cérémonie et faire partie intégrante du projet de la Route de l’Esclave en fait un pionnier dans la réhabilitation de l’histoire de l’esclavage. En offrant une plateforme pour le dialogue et la réflexion, la Côte d’Ivoire témoigne de son désir de prendre ses responsabilités vis-à-vis de son passé. La dimension historique et culturelle de cette initiative devrait également encourager d’autres pays à s’engager dans des projets similaires, renforçant ainsi la compréhension et la reconnaissance des luttes passées.

Les « routes de déportation d’esclaves en Afrique » : un héritage tragique

L’histoire de l’Afrique est marquée par des événements tragiques qui ont profondément influencé son développement social, économique et culturel. Parmi ces événements, la déportation d’esclaves a laissé une empreinte indélébile sur le continent. Les routes de déportation d’esclaves, qui ont existé à travers toute l’Afrique, illustrent non seulement les horreurs de l’esclavage, mais également les dynamiques complexes des échanges entre les différentes régions du monde. Ces routes, que ce soit à travers le Sahara vers le monde arabe ou vers les îles de l’océan Indien, ont façonné les destinées de millions d’individus et ont laissé des traces tangibles dans le paysage africain.

Les « routes du Sahara et les échanges avec le monde arabe »

Les caravanes qui traversaient le Sahara ont constitué l’un des principaux axes de déportation d’esclaves. Ces routes, qui reliaient l’Afrique subsaharienne au monde arabe, étaient jalonnées de villes oasis où se croisaient marchands, esclavagistes et esclaves. Les conditions de vie dans ces caravanes étaient souvent inhumaines. Les esclaves, enchaînés et maltraités, étaient transportés sur de longues distances, exposés aux rigueurs du climat désertique. Les villes comme Tombouctou et Gao, qui servaient de points de transit, ont connu une prospérité temporaire grâce à ce commerce inhumain. Ce système d’échanges a également permis la diffusion de cultures, de langues et de religions, mais au prix d’une souffrance immense pour les individus déportés.

Les routes de l’océan indien et les iles éloignées

À l’est, les routes maritimes reliant le continent africain aux îles de l’océan Indien, telles que Zanzibar, la Réunion, les Comores, les Seychelles et Madagascar, ont également joué un rôle crucial dans le trafic d’esclaves. Ces îles, qui étaient souvent utilisées comme plantations, ont vu arriver des milliers d’esclaves, principalement d’origine africaine, destinés à travailler dans des conditions épouvantables. Zanzibar, en particulier, est devenu un centre névralgique de la traite négrière, où des marchés d’esclaves prospéraient. Les vestiges de cette époque, tels que les anciennes maisons de marchands et les lieux de vente, demeurent des témoins silencieux de cette tragédie.

Les sites historiques et leur valeur universelle

Le continent africain est parsemé de sites historiques qui témoignent des différentes formes de trafic d’esclaves. Parmi ces sites, l’île de Gorée, inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, se distingue par son histoire poignante. Gorée a été un entrepôt d’esclaves où plus d’une dizaine d’esclaveries ont fonctionné. Le Castel, avec ses fortifications imposantes, surplombe l’île et rappelle le contrôle colonial sur ce commerce inhumain. Le Relais de l’Espadon, ancienne résidence du gouverneur français, témoigne également de l’architecture coloniale et de son utilisation dans le cadre de la traite négrière.

Un autre site emblématique est Cidade Velha, fondée en 1587, qui a servi d’escale maritime. Ce lieu s’est développé jusqu’au XVIIe siècle comme un carrefour de la traite négrière, avec des entrepôts d’esclaves qui ont fermé leurs portes en 1645. Les vestiges de ces infrastructures sont encore visibles et rappellent l’importance de cette ville dans le commerce transatlantique.

Au Cap Vert, la ville de Praia conserve des vestiges utilisés par les esclavagistes. Ces structures, bien que dégradées, sont des rappels poignants de l’histoire douloureuse de l’esclavage. De même, Bimbia et ses sites associés au Cameroun ont été des lieux de transit importants pour l’embarquement des esclaves. Ce réseau d’échanges, qui reliait les ports de la côte comme Douala et Rio del Rey aux marchés intérieurs, illustre la complexité des dynamiques commerciales qui ont profité de l’esclavage.

Les routes de déportation d’esclaves en Afrique représentent un chapitre sombre de l’histoire humaine, marqué par la souffrance et l’exploitation. Ces voies, qu’elles soient terrestres ou maritimes, ont non seulement contribué à la déshumanisation de millions d’individus, mais ont également façonné les sociétés et les cultures du continent et au-delà. Les sites historiques qui subsistent aujourd’hui, tels que l’île de Gorée, Cidade Velha et les vestiges au Cap Vert, sont des témoins précieux de cette histoire tragique. Ils rappellent l’importance de la mémoire collective et la nécessité de reconnaître et de comprendre les conséquences durables de l’esclavage. En honorant cette mémoire, nous pouvons contribuer à la réconciliation et à la construction d’un avenir où de telles atrocités ne se reproduiront jamais.

Ainsi, la cérémonie de lancement du projet de la Route de l’Esclave à Kanga Nianzé ne saurait être perçue comme un simple événement symbolique, mais bien comme un acte fondateur dans la quête de justice et de réconciliation. En se remémorant les souffrances des ancêtres, la Côte d’Ivoire affirme sa volonté de bâtir un avenir empreint de respect, de dignité et de partage. En embrassant son histoire, elle forge des liens solides entre les peuples, tout en offrant une leçon précieuse pour les générations à venir. Ce projet, par sa portée internationale et son engagement envers la mémoire collective, se positionne comme un phare d’espoir et de réconciliation dans un monde qui continue de lutter contre les injustices historiques et contemporaines.

Jean Marc Digbeu